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Miroir dis-moi ton nom

Spéculaire/Spectaculaire

Exposé réactualisé
au 17 Novembre 2005

Guy Lafargue

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Je me propose d’examiner dans cet article la question de l'expérience créatrice comme lieu de constitution de l'expérience subjective dans cette dimension particulière désignée comme le "Soi" et "l'Autre".

La conception que j'expose ici est importante en ce sens qu'elle tente d'établir le partage entre deux orientations de la pratique expressionnelle commune à tous les courants de recherche occupés des médiations créatrices: l'une centrée sur le développement de la personne, l'autre centrée sur l'Art (la littérature). Et à voir dans quelle mesure l'antinomie entre les deux mondes peut être ou non résolue.

Cette question fait partie des points sensibles du travail d'élaboration théorique de la discipline nommée "Expression Créatrice Analytique" dont nous transmettons ici la pratique et les concepts opératoires en particulier autour de cette tension permanente que nous avons avec des disciplines connexes dans le débat entre :

  • la visée de l'Art, centrée sur le "donner à voir", le "donné à entendre" et sur les institutions commerciales et culturelles qui en gouvernent le cours;
  • et la visée de développement de la personne radicalement marquée par le jeu ouvert et vivant de l'Analyse, occupée de l'expérience des processus affectifs, émotionnels, mnésiques, æsthétiques, psychiques qui gouvernent l'expérience créatrice et le jeu avec les langages/matières.

Le spectacle est l'institution qui surdétermine le jeu des acteurs de la situation artistique. L'exposition (la représentation scénique) en est le vecteur central.

La parole signifiante (représentation de l'éprouvé dans les mots) est l'institution qui surdétermine les acteurs de la situation expérientielle créatrice. Le regard et l'écoute analytiques en sont le vecteur central.

Le concept de "spectacularité" nous servira à désigner les phénomènes liés à l'institution du champ artistique et des médiations scéniques.

Le concept de spécularité nous servira à désigner les phénomènes et processus occupés de la formation du Soi (et des images de soi et du corps, conscientes et inconscientes) tels qu'on les appréhende dans l'expérience créatrice centrée sur l'expression de la personne.

Le point d'orgue de nos interrogations au sujet de ces deux directions de pratique porte sur l'expérience du regard dans sa double dimension :

  • Du "regarder" et du "voir" (mais aussi du "toucher" comme connaissance);
  • Du regard de l'autre sur soi (réel et supposé) et de l'"être-vu".
  • De l'intentionnalité qui gouverne ces échanges affectifs/émotionnels où le regard et le contact définissent un espace intermédiaire de jeu entre les protagonistes.
  • De la façon dont, en dernier ressort, notre rapport à l'autre et notre sentiment d'existence se fondent et s'articulent au sein de ce jeu du regard, de l'écoute et du contact. Ils sont co-extensifs (extensions du même).

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Le narcissisme

Cette réflexion s’aventure sur des sentiers exotiques. assiette impalpable, subtile, où se joue le destin de la formation de la personne comme "sujet" (le "je" comme forme manifeste du Soi), et du narcissisme comme espace interne où se tisse le sentiment de soi consubstantiel au sentiment de l'Autre.

Le narcissisme est le concept, le mot choisi pour désigner ce mouvement particulier de l'expérience subjective occupée du sentiment actuel de "l'être" (" being") qui est le point focal d'un certain nombre d'enjeux affectifs et imaginaires obligés de soi et de l'autre en miroir, tous investissements nécessaires à la constitution de l’espace scénique où Ça se représente, et à la constitution du Sujet. C'est bien de l'histoire du lien originaire comme scène d'élaboration de notre identité et de notre humanité qu'il s'agit, et de nos modes de présence au monde tels qu'ils se sont engagés : Dans la synergie ? Dans la conflictualité ? Dans une dialectique créatrice ouverte ?…

Et donc, dans mon propos, il s’agit bien ici de tenter d’éclairer cette dynamique particulière créée parla médiation scénique instaurée comme langage pour le travail de l'Expression Créatrice. Placer sous le projecteur de la pensée ce qu’il en est du rapport entre le processus spéculaire : regard de soi sur soi, et la construction spectaculaire comme mise-en-représentation sous/pour le regard de l'Autre sur soi dans la construction de l'image de soi ; et pour finir du sentiment d'exister.

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Expérience du corps
Conscience de soi
Sentiment d'exister

La conviction inaugurale qui sous tend ma réflexion est que pour conserver un lien au monde vivant et satisfaisant, il est nécessaire à chaque être humain d'éprouver de façon significative le sentiment d'exister, le sentiment d'être, d'être soi et d'être relié de façon réelle aux autres. L'avers de ce sentiment est le sentiment de la solitude ou le sentiment de la mort.

Mon autre conviction est que l'expérience créatrice est par excellence le lieu pour donner corps à ce sentiment et à lui donner les conditions de ce que Rogers appelle une "vie pleine".

Ce sentiment vital et ses avatars s'instaure dans les tous premiers mois de l'existence néo-natale, dans la qualité subjectivement éprouvée que les soins maternels apportent au nouveau-né ce dont il a impérieuse nécessité : satisfaction, des besoins organiques, affectifs et émotionnels, soutien inconditionnel des pulsions vitales à la croissance et à l'autonomie.

Dans ce travail d'échange les facteurs les plus structurants résident dans la confluence des trois modalités du lien symbiotique originaire :

  • la qualité du portage et du contact dans la satisfaction orale et les soins corporels
  • le contact visuel de regard à regard par où le nouveau-né déchiffre les signes génétiques de la communication affective et émotionnelle et par où il est introduit au monde du langage scopique,
  • l'enveloppement sonore de la voix maternelle qui introduit le nouveau-né au monde des signifiants, et l'ouvre au monde symbolique des mots et de la signification.

Comment se construit ce sentiment de nous-même comme existant (qui est le narcissisme originaire où il n'y a pas encore de sujet) dont nous faisons parfois l'expérience, dans des moments singuliers de l'expérience créatrice ?

Comment s'établit de manière sûre cet éprouvé particulier de la densité, de la consistance et de la permanence de l'être qu 'on appelle le Soi ?

Ces prémisses une fois posés nous allons venir maintenant aux Ateliers d'Expression Créatrice Analytiques et à la question des médiations scéniques comme espace "métamorphique".

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Comment s'emboîtent les strates successives constituantes de l'image de Soi dans les éprouvés somatiques/affectifs/émotionnels liés aux soins corporels premiers, dans l'échange de regards entre la mère et le bébé et dans les premières rencontres du jeune enfant avec son image dans le miroir ? (relire Winnicott et Dolto)

Quels jeux et quels écarts s'instaurent entre le voir et le regarder ?

Entre le regarder et l'être-vu ?

Entre le jouer pour soi , qui se développe dans le champ du narcissisme primaire, et le jouer pour l'autre qui est au fondement de la compulsion artistique ?

Toutes ces questions sont importantes pour comprendre comment, dans l'expérience créatrice telle qu’elle est instituée dans le cadre des Ateliers d’Expression Créatrice Analytiques (Art CRU), opère la formation de la forme comme représentation du Soi et comment y joue la fonction du regard :

  • regard du sujet sur sa production et sur soi en relation avec sa production,
  • regard de l'Autre sur la production du sujet et sur le lien du sujet avec sa production,
  • regard du sujet du regard de l'Autre sur lui et sur sa production.

Dans ces trois directions du spéculaire et du spectaculaire, où il est question du reflet, de la réflection des signifiants dans le jeu de la formation des formes et de leur mise en situation scopique sous le regard, le sien propre, et celui (réel et fantasmé) du regard et de la parole réfléchis en miroir par l'Autre, se développent tous effets attendus ou subis qui marquent l'expérience créatrice aussi bien dans son inscription analytique/thérapeutique que dans son inscription artistique.

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L'expérience créatrice :
Le spéculaire et la fonction miroir
dans la construction de l'image du corps

Dans l'expérience ouverte par les “Ateliers d'Expression Créatrice Analytiques", nous rencontrons une large palette de modes de regards :

  • regard du sujet sur ses objets
  • regard du sujet sur lui-même en élaboration de sa propre production,
  • regard de l'animateur sur la production et sur le sujet, et sur la façon dont cette attention est reçue/attendue/fantasmée,
  • regard sur l'objet créé comme représentation/reflet d'un fragment de son expérience affective,
  • regard virtuel des tiers...

Au centre de cette structure particulière créée par la présence du/des regards se joue une partie de la problématique des processus de construction de l'identité dans le jeu avec/du miroir.

L'image spéculaire est le fruit imaginaire de la liaison qui s'établit dans l'expérience subjective entre l'éprouvé affectif impensable et la perception de la forme "objective" que le sujet rencontre dans un miroir, que ce miroir soit constitué de verre, d'argile ou du regard inaugural de l' Autre/la mère et de ses métamorphes.

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Sur la valeur structurante de cet événement, quatre théoriciens ont évoqué l'importance de cette question: Henry WALLON, Jacques LACAN, Françoise DOLTO et Donald WINNICOTT.

En 1931 WALLON, découvre que, contrairement aux singes que leur image dans le miroir rend furieux, les bébés ne réagissent pas à la leur, en tout cas jusqu'au quatrième mois de leur existence. Après ça, ils commencent à se prendre pour un autre bébé, puis à se sourire, puis à pressentir quelque chose de bizarre dans la présence simultanée de leur génitrice sur le miroir et derrière/autour/à coté d'eux, et leur parlant de ce qui se passe ou d’autre chose.

Entre apparence (le perçu visuel/somatique) et expérience (l'éprouvé somato/affectif) il y a pour le bébé un conflit d'images à résoudre. Les deux plans de représentation (virtuelle et réelle) n'appartiennent pas encore à une perception intégrée des effets de temps et d'espace. Pour le bébé, il y a tout à coup deux là où dans l'expérience subjective il y a un. Un des éléments de la dyade subjective se scinde, se dédouble, apparaît comme un duplicata, immédiatement reconnu : la mère, dans le même temps où l'autre/soi va progressivement se dégager comme image de Soi externalisée, comme représentation corporelle externalisée...comme “Moi“, c'est à dire comme la somme des éléments figurables de ce corps-là (représentation mentale objective) qui vont s'inscrire dans ma mémoire en une image spéculaire, c’est à dire comme image scopique du corps et comme objet, décontextualisés des éprouvés inconscients, des affects.

Vers 10 mois, bébé se reconnaît dans le miroir, mais quand on prononce son prénom, il se montre avec le doigts pointé sur l'image dans le miroir, et pas sur son nombril comme toi et moi. Et il travaille à résoudre ce dilemme de l'existence d'un sentiment affectif du soi corporéisé, incarné, éprouvant, inscrit dans l'espace/temps du lien physique à la mère ; et d'une trace mnésique, une image construite de son propre corps, mémorisée en une représentation formée à partir de l'image renvoyée par le miroir, image virtuelle/réelle qui échappe à toute prise, qui va dfoànner une' superfricie au Moi, un espace de développement de cette entité d'éléments figurables qu'on appelle le Moi.

Ce travail va aboutir à la formation d'une image issue du contact avec le miroir une image spéculaire, comme on dit, qui va recouvrir/remanier l'expérience du Moi. WALLON appelle ça "l'épreuve du miroir", et il va en faire le pilier de la théorie du passage du spéculaire à l'imaginaire . WALLON décrit la façon dont se constituent les images psychiques du corps comme connotant la mise en place du Moi. Formation du Moi et image spéculaire du corps sont co-extensifs l'un à l'autre.

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Quelques années plus tard, en 1936, Jacques LACAN qui connaissait les travaux de Wallon les reprendra (sans citer ses sources). Il remanie la théorie du miroir dont il va faire le centre de son système d'étagères psychiques fondé sur les trois catégories du Réel (le monde des sensations originaires), de l'Imaginaire (le monde des images de sensations) et du Symbolique (le monde des images de mots).

Treize ans plus tard, en 1949, le même LACAN comprend "le stade du miroir" comme le moment déterminant de la condensation de l'instance qu'il appellera le "Je" comme effet d'une identification du sujet à l'image spéculaire (prendre l'image pour le soi), phénomène de "transformation produite chez le sujet quand il assume une image". Lacan nous dit ensuite que " l' assomption jubilatoire de son image spéculaire" va constituer "la matrice symbolique où le "je" se précipite en une forme primordiale" ( Ecrits 1, p 94). Cette image spéculaire d'un autre/soi va constituer "la souche des identifications secondaires": "Le point important est que cette forme situe l'instance du Moi, dès avant sa détermination sociale, dans une ligne de fiction à jamais irréductible pour le seul individu ". Cette forme totale du corps qui lui est donnée dans une extériorité symbolise la permanence mentale du "je" (pour le Soi ?).

Pour résumer, les choses se passent comme si dans sa rencontre avec l'autre/spéculaire (externe à soi à assimiler comme "moi"), le bébé se construisait une image de son corps, en quelque sorte une figuration corporéisée de soi, à la fois indemne d' introjects (étranger, vide) et saturée des émois liés à la mise en place progressive de sa position de sujet, c'est à dire de centre de sa propre expérience.

Cette entité corporelle/virtuelle narcissique, le "je" est ce par quoi le sujet va décoller de l'adhérence au Réel (oralité/analité), et le Symbolique, ce qui va constituer le mode de représentation privilégié de l'être-sujet, la condition de la formation du désir et de l'accès à la parole et à la génitalité . C'est au cours de ce travail avec l'image réfléchie dans le miroir, baptisé par LACAN "stade du miroir", que le bébé devient un enfant doué d'une capacité d'articuler son désir et celui de l'autre, sa "désirance" comme le dira plus tard Françoise DOLTO.

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Pour Françoise Dolto, le stade du miroir, c'est une sorte de luxe psychique qui se déclenche au moment de l'autonomisation motrice progressive du bébé (que Dolto appelle la "castration anale" comme réalisation de l'autonomie motrice) et qui renvoie à la construction narcissique primaire (amour de Soi) grâce à l'intégration subjective d'une image visuelle d'un corps entier réfléchi dans le miroir, qui donne au bébé, entre trois et dix mois une perception de son propre corps tel qu'il serait vu par un autre, sauf que cet autre c'est lui, internalisant l'image de ce regard à lui extérieur sur ce corps/sien comme regard de l'Autre/la-mère sur lui, c'est à dire de l'image de Soi en tant qu'autre réfléchie dans son propre regard, processus complexe, si tu vois ce que je veux dire, dont étaient exemptés les bébés quand y'avait pas de miroirs dans les chaumière.

Donc, DOLTO, reprend à son compte le stade du miroir, en y ajoutant des bémols de clinicienne plus préoccupée de la thérapie des enfants que des méandres narcissiques secondaires (amour du Moi) de la théorie lacanienne. Elle dit en particulier qu'on a un peu exagéré la question du spéculaire. Dans "L'image inconsciente du corps", elle écrit ceci : " Il ne suffit pas qu'il y ait réellement un miroir plan. A rien ne sert si le sujet est confronté en fait au manque de miroir de son être dans l'autre. C'est cela qui est important " (p148). Ce qui veut dire en clair que l'Image de Soi ( le narcissisme primordial de DOLTO) se construit dans l'ensemble des communications fonctionnelles érotisées depuis la naissance et même avant probablement : "L'image du corps s'est donc élaborée comme un réseau de sécurité langagière avec la mère". En ceci, elle est beaucoup plus proche de Winnicott que de Lacan.

DOLTO souligne que cette image est constituée en quelque sorte de morceaux épars, de fragments d'expérience, qui vont, dans la rencontre avec le reflet dans le miroir, trouver l'occasion de se constituer en un ensemble homogène, "l'image du corps" justement.

Cette rencontre remplit une double fonction :

  • de vecteur à la communication sur le visible qui relie les corps entre eux dans l'imaginaire,
  • et de blessure, "le trou symbolique" dit DOLTO, où l'image, en quelque sorte finie, vient occuper le devant de la scène du Moi au détriment du sentiment du Soi, de l'autre image, inconsciente justement, encore engluée dans les adhérences archaïques fœtales/orales/anales.

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Les choses sont plus simples avec WINNICOTT qui, sur ce sujet, ramonait volontiers les moustaches à LACAN. WINNICOTT disait à qui voulait bien l'entendre que le stade du miroir de Monsieur LACAN prenait ses racines dans le lien de regard originaire entre le bébé et la mère, étendant à la communication visuelle les autres modalités d'expérience affective et sensuelles originaires, comme le fait d'ailleurs après lui Françoise DOLTO.

Donc, avec l'unification du Moi, symbolisée plus que produite à mon sens, par la rencontre avec l'Image virtuelle dans le miroir, l'important c'est qu'au moment où l'enfant abandonne l'exclusive de l’érotisme oral/anal (l'érotisme prégénital) il est déjà prêt pour s'aventurer dans l'univers de l'autre et du sexe, le sien, le pénis présent/absent.

Le spectaculaire

Je ne m'intéresserai ici au spectaculaire, ni du point de vue de la socialité (qui est le point de vue du versus comportementaliste des théories de l’arthérapie, ni du point de vue du producteur/spectateur culturel, ni du point de vue de l'objet scénarisé, mais bien du point de vue du sujet créateur de la scène, de la fonction active, initiatrice, du donner-à-voir, qui est celle qui nous concerne en tant qu'animateurs d'Ateliers d'Expression Créatrice Analytiques confrontés et associés concrètement et ph(f)antasmatiquement au travail de la narcissisation primaire et de la formation de l’être-sujet.Le spectaculaire et l'Art

C'est une question très importante pour nous que de comprendre et de définir ce qu'est l' œuvre artistique par rapport à l'objet créé dans une visée d'expression de soi. Mon point de vue est que l' objet artistique n'est pas défini par les caractéristiques formelles de l'objet, mais essentiellement par le besoin/désir du regard de l'autre à soutenir le sujet (l'artiste) dans le sentiment de l'être (où il est défaillant), dont il attend qu’il le constitue en un objet pour le regard de l'autre. C'est le regard du spectateur qui confère son statut artistique à un objet créé quelles qu'en soient les qualités : que ce regard virtuel attendu soit celui des tiers futurs spectateurs, ou ce même regard virtuel internalisé dans l'espace psycho-affectif du créateur. L'Art ne définit pas les qualités esthétiques de l'objet mais bien son statut affectif pour le sujet projeté dans la pensée de l'Autre.

Coalescence et distance à l'objet
dans le processus expressif créateur

Que se passe-t-il dans cette intime relation qui s'engage entre le sujet et la matière dans l'Atelier d'Expression Créatrice Analytique, dont l'aboutissement est l'affermissement, voire la constitution du sujet au travers du jeu de la création de l'objet

La surface de projection créatrice
comme miroir

La condition fondamentale de déclenchement du processus créateur expressif est la confrontation du sujet à une convocation du désir dans un espace vide où la seule activité instituée possible soit celle du libre jeu avec un ou plusieurs langages/matières de création .

La condition fondamentale pour que l'espace vide soit opérant non d'une répétition mimétique mais d'un processus créateur est que cet espace soit inscrit dans un cadre construit favorisant l'investissement affectif des matières/langages et leur désintrication des adhérences narcissiques dans une métacommunication (une parole réfléchissante sur les processus). Cette méta-communication au sein du groupe prend comme objet d’analyse les effets subjectifs (affectifs, psychiques et émotionnels et mnésiques) de l'engagement du sujet dans un travail de parole prise dans sa double fonction d'évocation des expériences vécues dans le temps de la création et de prolongement de l'expression dans la représentation de mots.

C'est dans ce libre jeu de la parole entre matière et verbe qu'opère le desserrement des signifiants et le possible surgissement de pans entiers de l'histoire du sujet et leur intégration progressive au champ de la conscience. S'il y a écart interlangagier c'est justement entre les mouvements incontrôlés de la production ph(f)antasmatique dans les matières/langages, et le temps de l'énonciation des effets sensibles qui l'accompagnent, qui en surgissent, qui s'y expérimentent, que se condensent les effets de sens : ab-réaction, insight, remémoration. Et, pour certains, comme pour les personnes dites psychotiques, qui sont restées fixées dans un espace d’occlusion narcissique, s'ouvrent des voies de passage du Réel vers l'Imaginaire et, dans le meilleur des cas, lorsque l’échange intertransférentiel est bien arrimé, vers le Symbolique.