art cru mediations formations

Médiations / Formation

Du tout cru au pas tout cuit

Guy Lafargue

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La formation des soignants
au maniement des médiations créatrices

dans l'exercice du soin

Article paru dans la revue SANTÉ MENTALE

Guy Lafargue a une formation initiale de psychologue clinicien et de psycho-sociologue. Il est titulaire du certificat français et européen de psychothérapie. De 1973 à 1982, il a été l'élève et le collaborateur du Professeur Max PAGÈS dans le cadre du Laboratoire de Changement Social de l'Université Paris 7. Dans le même temps, il a travaillé dans l'Atelier Thérapeutique d'Expression du CHS Charles Perrens à Bordeaux. Il a créé et dirige depuis 1984 les Ateliers de l'Art CRU, Institut de formation permanente consacré aux médiations créatrices dans les pratiques du soin psycho-affectif, de l'éducation et de la lutte contre les exclusions. Il est lui-même créateur et artiste et il a développé une importante collection d'œuvres d'Art d'urgence regroupée dans sa collection de L' ART CRU MUSEUM.

Soins psychiatriques
médiations créatrices
et formation

Paradoxe ou contradiction : l’expérience créatrice est largement reconnue comme médiation thérapeutique privilégiée auprès des personnes faisant l’objet de mesures de soin spécialisé en psychiatrie, en pédopsychiatrie, addictologie, suicidologie, et toutes institutions travaillant dans la lutte contre la ségrégation des personnes en rupture provisoire ou prolongée de lien social.  Paradoxalement elle est de moins en moins représentée, voire totalement ignorée ou invalidée dans le fonctionnement concret de nombreux services de soin. Le renforcement des thérapies comportementales et de la chimiothérapie y est pour quelque chose. Mais aussi la réforme en cours de la formation permanente où se joue le théâtre idéologique et les luttes de pouvoir institutionnelles pour le contrôle de ses finalités, de ses contenus et des conditions de son organisation.

Clarification des enjeux de la formation

Toute réflexion sur les perspectives et sur les méthodes de formation des praticiens du soin psycho-affectif à la pratique des thérapies médiatisées en établissement psychiatrique suppose la clarification préalable du champ et de la terminologie que nous employons. Notamment par rapport à ce qui, en miroir de la médiation, est défini comme la finalité et le lieu focal de l'acte thérapeutique, c'est à dire le processus de désaliénation de la personne.

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Dominique Roriguez - Collection de l'Art Cru Museum

La nature et la qualité de la formation convoquée dépendent :

  • des orientations théorico-techniques de l'Institut de formation ;
  • de la valence qualitative et du niveau d'exigence que le formateur attribue au terme thérapeutique ;
  • de la façon dont chacun situe et se représente la (les) médiation(s) les matières, langages, création, expérience créatrice, expression, art, culture en regard de l'acte thérapeutique ;
  • de la place que le formateur et les utilisateurs accordent, dans ce cadre là, à la formation au dialogue analytique qui constitue l'essence de tout projet authentiquement thérapeutique ;
  • du degré de motivation et de la liberté de choix de leur formation par les utilisateurs (en majorité des infirmiers, des psychologues, des animateurs et des artistes pour la plupart autodidactes).

Institution et représentation
idéologique du soin

L'orientation idéologique des prescripteurs de la formation conditionne donc en grande partie le choix de l'organisme de formation par les DRH. L'opérativité d'un programme de formation pour les futurs praticiens dépendra largement de la cohérence existant entre la demande théorico-technique des prescripteurs de la formation et l'offre technique et théorique du centre de formation, selon qu'ils se situent dans une vision humaniste (centrée sur le développement du sujet) ou dans un projet plus ou moins étroitement adaptatif associé à une chimiothérapie prévalente.

Dans les pratiques actuelles du soin psychia-trique, on peut distinguer quelques grandes initiatives et modèles de pratiques profilées ou présumées "thérapeutiques" utilisant les médiations créatrices et, partant, les orientations pédagogiques des instituts de formation cohérents avec ces orientations.

La cerise culturelle

Les premières grandes expériences de mobilisation de l'art dans les établissements psychiatriques datent de la deuxième moitié du vingtième siècle. Elles sont essentiellement dues à quelques psychiatres éclairés fascinés par les productions créatrices des aliénés (Réja, Ferdière, Prinzhorn), puis, par contagion, à la traque gourmande des surréalistes, aux adeptes de la psychopathologie de l'expression, de l’Art Brut, Elles ont donné lieu à la création d'institutions : la Maison des artistes de Gugging, la superbe Association Aloïse de Roger Gentis, les Ateliers Thérapeutiques d'Expression Créatrice dans le service du Docteur Broustra à Libourne, l’extrraordinaire Atelier du Non-Faire de Christian Sabas à Maison Blanche…entreprises qui ont accompagné la réforme de la psychiatrie de secteur.

C'est surtout dans le cours des bouleversements introduits après Mai 1968 que quelques jeunes psychiatres comme Roger Gentis, Jean Broustra, Jean Pierre Klein, commenceront à penser le soin en prenant en considération l'expérience artistique comme possible outil thérapeutique ou comme faire-valoir culturel. C'est dans ce mouvement qualitatif que l'idée d'organiser les soins en misant à part entière sur l'expérience créatrice comme espace/temps thérapeutique s'est ancrée chez ces psychiatres marqués par la psychothérapie institutionnelle, l'anti-psychiatrie anglaise et par la psychanalyse lacanienne (même s’ils s’en défendent).

Le courant institutionnel

Cette orientation historique se réfère explicitement à la théorie et à la pratique de la psychothérapie institutionnelle créée par François Tosquelles et Jean Oury.   La formation en est essentiellement clinique et elle est dispensée par les psychiatres et les équipes de soin qui s’y réfèrent. Dans cette dynamique, les “activités” d’expression créatrice ou les clubs artistiques sont considérés en eux-mêmes comme des facteurs structurants de la communication interhumaine et peuvent donner lieu à un travail analytique institutionnel.

Le courant psychanalytique

s'inscrit dans ce qu'il convient d'appeler à la suite de Freud la psychanalyse appliquée, qui, comme son nom l'indique vise à appliquer la pensée et la doctrine psychanalytiques à un domaine de la culture - en l'occurrence celui de l'art (hétérogène à sa pratique spécifique qui est la dialectique entre parole et travail psychique associatif) - les éléments des théories et des règles de la cure psychanalytique. Les instituts de formation qui travaillent selon cette conception sont en général des Instituts d'Université au sein desquels la représentation de la doctrine psychanalytique est prévalente. Les enseignements théoriques et pratiques y sont donnés par des psychanalystes et des psychothérapeutes.

Le courant comportementaliste

Un certain nombre de pratiques arthopédiques sont fondées sur la prescription artistique.  Elles reposent sur la gestion instrumentale de l’injonction et de la communication artistiques, sur les effets attendus/induits de socialisation des "patients", de réparation narcissique des “ malades mentaux” artistes désignés. Elles donnent parfois lieu à exploitation des productions (devenues œuvres) en séance de synthèse.

Cette orientation repose sur une certaine esthétique du Beau, sur les concepts de comportement créatif, de créativité, sur la lénifiante théorie de la sublimation et sur la présomption spectaculaire et artistique : apprentissage assimilation de techniques artistiques, affichage domestique, exposition de groupes de patients, participation à des manifestations culturelles "spécialisées", vente des œuvres…tous aménagements qui dépouillent l'acte artistique de ses dimensions de subversion et d'authenticité.

Ce mode de pratique d'ateliers d'art en psychiatrie instrumentalise largement le rapport entre l'intervenant (auto-proclamé ou certifié art-thérapeute lorsqu'il est détenteur d’un diplôme privé ou d’un D.U.), et le sujet, dans un rapport de guidance artistique. Généralement, parce que ce n'est pas la plupart du temps leur formation de base, ces animateurs d’activité artistique refusent toute pratique analytique en prise sur l'expérience créatrice telle qu'elle est subjectivement vécue par le patient, renvoyé, en cas de difficultés affectives importantes apparues dans l’atelier, au psychiatre ou à des psychothérapeutes professionnels.

Globalement, cette orientation est souvent représentée par des psychiatres suridentifiés à l’art, rebelles à l’institution et par des artistes confirmés ou présumés qui trouvent à valoriser dans le cadre des institutions psychiatriques une quête artistique personnelle éconduite dans le monde artistique ; ou par des soignants autodidactes ou formés dans des instituts de formation à l'art-thérapie versus artistique.

Les instituts de formation qui pratiquent ces orientations comportementales, créés et dirigés par psychiatres excentriques ou par des artistes sous allégeance psychiatrique, exigent généralement en premier lieu comme condition de recrutement des candidats à la formation un dossier artistique personnel. Ils considèrent l’art comme bagage obligé à l'exercice du métier thérapeutique et dispensent en conséquence des connaissances en psychiatrie et en psychopathologie, des cours d'histoire de l'art, procédures de classification, quantification, question-naires de validation. Certains instituts demandent explicitement que les candidats fassent une psychothérapie personnelle, quelque fois une art-thérapie, avec des praticiens diplômés de leur institut..

Les "Ateliers Thérapeutiques
d'Expression Créatrice "

Ce courant , dont j'ai créé le modèle, est référé aux recherches contemporaines sur la dynamique des groupes, la psychothérapie existentielle " centrée sur la personne" de Carl Rogers et à la lecture psycho-analytique des travaux de Winnicott, Harold Searles, Daniel Stern, Françoise Dolto, Mélanie Klein, Frances Tustin et des néo-kleiniens.

J'ai été le créateur de cette appellation et de cette pratique vers 1975. C'est à ce titre que j'ai été convoqué par les docteurs Michel Demangeat et Jean Broustra, instituants du premier hôpital psychiatrique de jour de la région Aquitaine. Ce type d'Atelier que j'avais inventé dans le cadre de ma collaboration avec le Professeur Max Pagès, et introduit à la faculté de psychologie de Bordeaux a été pour la première fois institutionnalisé en 1972 dans le cadre de cet hôpital de jour où je l’ai développé en synergie avec le Dr Jean Broustra.

Cette création institutionnelle d'unités coordonnées d'Ateliers Thérapeutiques d'Expression Créatrice s'est ensuite développée à son initiative au CHS Charles Perrens de Bordeaux, dans le service du Pr Marc Blanc. J'ai moi-même été instituant inaugural et animateur/thérapeute dans ces services sous sa direction entre 1972 et 1982, jusqu'au départ de Jean Broustra dans l'unité psychiatrique de l'hôpital Garderose de Libourne dont il a été nommé médecin-chef.

Dynamique de la formation qualifiante
aux Ateliers d'Art CRU

Cette création institutionnelle ouverte par notre Institut de formation a été élaborée dans un va et vient entre nos recherches cliniques au sein de l'hôpital et notre expérimentation de la formation au sein de notre institut. Notre tension idéologique était dès le départ ouverte à la psychothérapie existentielle, à la psychanalyse, à la dynamique analytique de groupe, à l'esthétique du pédagogue Arno Stern , au psychodrame morénien et aux recherches avancées du théâtre d'avant garde des années 1970.

Nous sommes partis de cette considération que les personnels qui veulent légitimement se former à la discipline expressionnelle pour pouvoir ensuite la mettre en œuvre auprès des utilisateurs du soin doivent accepter de traverser pour eux-mêmes les expériences d'implication personnelle dans l’expérience créatrice dont ils auront ensuite à construire le cadre pour les usagers. Ils doivent nécessairement les expérimenter de façon significative dans les dispositifs modélisés de leur formation.

MANIFESTE POUR UNE ÉTHIQUE
PARTAGÉE DE LA FORMATION

Le changement significatif des stratégies de formation des établissements est contemporain de la nouvelle loi sur la formation permanente. Depuis la mise en œuvre de la réforme, le volume d'inscriptions des personnels des établissements de santé mentale aux formations qualifiantes à l'animation d'ateliers thérapeutiques médiatisés a diminué chez nous de 8O%. Parallèlement, le nombre des inscriptions aux ateliers expérientiels de sensibilisation aux médiations créatrices (qui ne sont pas des formations qualifiantes) restent à peu près stables. La consultation d'instituts beaucoup mieux "placés" que le notre vis à vis des secteurs psychiatriques fait état du même mouvement. Les raisons de cette désaffection sont lisibles à même les appels d'offres rédigés et adressés par les directions des ressources humaines des établissements aux instituts de formation.

Les appels d'offre :
une pratique de la double contrainte

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Dominique Rodriguez - Collection de l’Art Cru Muséum

La pratique des appels d'offre tend à se généraliser. Elle remplace progressivement l'ancien système de formation fondé sur la demande des salariés en réponse aux propositions des instituts. Il apparaît à l'usage que les appels d’offre sont construits selon un modèle standardisé. Désormais, après enquête globale sur les besoins et les demandes de formation, les acteurs du soin sont convoqués à des sessions internes à l'établissement. Ces sessions sont entièrement formatées par les directions des ressources humaines (DRH) sur des critères essentiellement économiques et idéologiques. Elles sont construites sans aucune consultation du formateur sur l'opérativité des modèles décidés et des propositions faîtes. Nous ignorons dans quelle mesure le choix des orientations théorico-techniques des acteurs du soin est pris en compte. La DRH fixe un objectif apparemment ouvert, proposant la mise en place d'une formation attendue comme qualifiante aux activités de médiations; ou, dans le meilleur des cas, à la mise en place d'ateliers thérapeutiques. Et dans le même temps, elle obture les finalités et les méthodes des formations proposées.

Les causes économiques de cette politique d'obturation sont clairement nommées dans un certain nombre d'appels d'offre de la façon suivante (je cite l'un d'entre eux à titre d'exemple) :

" Contexte de l'action de formation :
La mise en place d'un nombre important d'ateliers thérapeutiques demande aux soignants de se former à de nouvelles techniques. Le nombre de demandes de formation est en constante augmentation au niveau de l'enquête sur les besoins. Les formations sont souvent réalisées à titre individuel avec un organisme extérieur et génèrent un coût de formation ne permettant pas à tous les agents qui le demandent de pouvoir en bénéficier. Il paraît important de prendre en compte ces demandes et de les proposer en formation collective au sein de l'établissement, générant ainsi un coût moindre. "

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Yseult Houssais - Collection de l'Art Cru Museum

Les causes idéologiques de cette désaffection programmée sont lisibles dans la partie des offres de formation consacrée à la rubrique "objectifs de la formation". Ce chapitre fixe les "objectifs spécifiques de l'action de formation" qui sont circonscrits aux opérations suivantes : "apporter des éléments d'informations sur les médiations", "acquérir des éléments d'informations sur les différents supports", "élaborer des stratégies de mise en place d'un atelier dans un dispositif existant ", "partager un discours théorique et clinique". C'est à dire que dans de nombreux projets, les objectifs assignés aux formateurs sont essentiellement d'ordre cognitif/didactique et rarement d'ordre expérientiel et analytique, objectifs qui constituent le véritable vecteur d'un processus de formation.

Vient ensuite le chapitre des "contraintes pédagogiques et organisationnelles" qui définit unilatéralement ce que le formateur doit enseigner et la façon dont il doit l'enseigner (" Méthode pédagogique : Exploiter le vécu professionnel des soignants pour définir une méthode d'élaboration des activités prenant en compte le projet thérapeutique", "alternance d'apports théoriques, de réflexions à partir de cas cliniques, mise en œuvre du projet collectif", "se mettre en situation de création à travers des séances de dessin et de peinture sur un thème") . Il impose également le nombre de personnes à former (jusqu'à 15), le cadre temporel de l'action (uniformément fixé à 5 jours : 2x 2 jours + un jour consacré à l'évaluation, répartis sur deux années budgétaires. Les espaces proposés pour conduire les actions sont ceux du centre de formation de l’établissement, qui ne sont ni prévus ni équipés pour la création du cadre des ateliers, chaque atelier expérientiel étant construit en fonction des médiations proposées.

Enfin, dans la plupart des appels d'offre, le paiement des actes de formation est défini unilatéralement ou cadré dans une fourchette qui dépasse rarement 50% du prix de journée des Instituts de formation. Pour finir, quel que soit le projet proposé, une demande de rémunération normale calculée sur le prix de journée de l’Institut, aboutit régulièrement au rejet de l’offre.

Au terme de ce processus essentiellement défini par des contraintes et des restrictions, vaporisé dans la durée, dispensé dans des équipements standardisées pour des cours infirmiers, sans aucun marqueur théorique ni

technique identifiable autre que celui des "activités artistiques", pour "apprendre à faire des dessins sur un thème" avec des formateurs qui acceptent de telles conditions…il est explicitement attendu des personnels soignants qu'ils puissent “animer des ateliers thérapeutiques dans le cadre des services". Ceci est un non-sens. Comment peut-on penser qu'en une semaine, une qualification de thérapeute utilisant les médiations créatrices puisse être acquise, assimilée et transférée ? Rien de leur formation de base n’a préparé des infirmiers D.E. à exercer un tel rôle de thérapeute. Au cours de leurs études, les psychologues, n’ont pas davantage été initiés au travail analytique au sein d’Ateliers thérapeutiques. Même les cursus artistiques homologués demandent cinq années de formation. La formation d'animateurs thérapeutes est aussi exigeante que la formation d'un infirmier, d'un psychologue ou d'un artiste. Le soin affectif et psychologique serait-il si anecdotique et insignifiant que l'on puisse imaginer que des soignants pourront y être initiés en une semaine ? L’effet pervers direct de ce système de double contrainte est d’invalider toute formation des compétences thérapeutiques des soignants à la mise en place d’ateliers thérapeutiques médiatisés.

En outre, la généralisation de la prescription de formations en intra, lorsqu'elle n'est pas l'émanation directe du groupe professionnel concerné, génère de puissants mécanismes de défense, de déni, de résistance à la formation et de forclusion des résistances institutionnelles au changement, développés par les soignants dans le cadre de leur communauté professionnelle. La convivialité professionnelle invalide par avance tout processus de formation impliquant profondément le sujet, la personne; elle aliène par avance le potentiel de remise en cause naturellement engagé par toute expérience vivante de la formation.

Lorsqu’il est ainsi posé sous la forme d’un diktat, sans possible dialogue avec les instituts, l’appel d’offre a pour évidente fonction d’assurer et de renforcer le contrôle idéologique de la direction sur les orientations idéologiques des prestataires de formation. Invoquer les lois du marché et miser sur la concurrence pour organiser la politique de formation du personnel psychiatrique aux activités de soin psychologique et affectif est une conduite indigente. La généralisation de cette pratique conduit à la disqualification et à la disparition des formations qualifiantes garanties par une éthique professionnelle des Instituts de formation, et, à plus ou moins brève échéance, à la disparition d'un certain nombre d'entre eux.

En fixant unilatéralement le cadre technique, les contenus méthodologiques et les finalités de la formation, les DRH modifient sans état d'âme les règles éthiques régissant le cadre et les principes opératoires des processus de formation . Elles privent ainsi les soignants d'une possibilité d'accéder à une réelle compétence personnelle dans la pratique thérapeutique médiatisée et privent les usagers d’une réelle qualité de soin.

Tout projet de formation qui organise une sous-qualification des soignants à l’animation d’ateliers thérapeutiques médiatisés discrédite par avance le potentiel réellement thérapeutique des ateliers d'expression créatrice pour les usagers du soin, et disqualifie à court terme leur développement au sein des établissements.

Les personnels concernés doivent offrir aux bénéficiaires du soin des garanties de compétence éprouvée dans la discipline à laquelle ils se forment. Sans cette garantie, le projet thérapeutique sera inopérant, voire toxique.

Tout processus de qualification présente des exigences auxquelles seuls des professionnels de la formation peuvent répondre. Bien évidemment, la contrepartie pour les formateurs est d’avoir une connaissance significative de la réalité du soin psychiatrique et de la dynamique institutionnelle des institutions thérapeutiques et des processus thérapeutiques. Ils devront en outre pouvoir justifier pour eux mêmes d’une

formation approfondie à la conduite de groupes analytiques.

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Chris Besser - Collection art cru museum

Charte de qualité et
éthique de
la formation
dans le cadre des formations
internes aux établissements

A chaque appel d'offre reçu par notre institut de formation, nous adressons une charte définissant ce que nous estimons être les conditions de possibilité de la réalisation d'une formation au sein de l'établissement. Cette charte pourrait constituer une base professionnelle de réflexion pour les instituts de formation et pour l’ensemble des acteurs de la formation. Ce document a pour mission d’éclairer les DRH des établissements demandeurs de programmes de formation interne sur les conditions requises pour préparer leurs personnels à exercer de façon compétente et responsable des fonctions d’animation d’Ateliers Thérapeutiques Médiatisés auxquelles leurs formations initiales ne les ont pas préparés.

Afin que les soignants en formation au sein de l'établissement puissent offrir aux

bénéficiaires du soin des garanties de compétence éprouvée dans la pratique à laquelle ils se forment, l'établissement demandeur s'engage à prendre en considération un certain nombre de règles méthodologiques et déontologiques, et à mettre à la disposition des formateurs délégués par le centre de formation les conditions matérielles requises pour la réalisation des objectifs fixés.

Règles déontologiques
Conception et mise en œuvre
des cadres et dispositifs

La formation est pensée de manière à permettre aux soignants de pouvoir construire des cadres et des dispositifs favorisant l'expression créatrice de la personne en situation groupale, de pouvoir en assumer les lois et les règles dans la durée de leur mission, et de pouvoir en accompagner et travailler les effets structurants pour les bénéficiaires du soin.

Création et soin apporté aux personnes
en grande souffrance affective

La procédure de recrutement des personnes engagées dans la formation devra en présenter les pré-requis aux personnes intéressées. La pratique de l'animation d'Ateliers Thérapeutiques Médiatisés suppose en effet :

  • Une rencontre significative des principaux modules d'expression créatrice (argile, peinture, écriture, danse, marionnettes, théâtre).
  • Une formation pratique à la dynamique de groupe d’expression créatrice.
  • Une formation à l'écoute active non-directive inspirée des travaux de Carl Rogers;
  • Un enseignement de la psychanalyse dynamique sur la thérapie et le jeu (Winnicott, Mélanie Klein)
  • Une formation culturelle centrée sur l'art singulier (Art Brut, psychopathologie de l’expression).

Une formation expérientielle

Les personnels qui veulent légitimement se former à ces disciplines doivent accepter de traverser pour eux-mêmes des expériences significatives d'implication personnelle dans l’expérience créatrice dont ils mettront en œuvre les cadres avec les usagers du soin. et de les expérimenter au préalable dans les dispositifs de formation.

Une formation didactique

Le Centre de formation est compétent en matière de choix des stratégies pédagogiques et des outils expérientiels et didactiques mis en œuvre auprès des personnes en formation.

Fonctionnalité des lieux de formation

L' établissement demandeur s'engage à mettre en place des dispositifs d'espace et d'organisation technique d'Ateliers modélisables qui soient construits selon des règles rigoureuses liées à la nature des langages de création. Le centre de formation communique son évaluation technique des plans aux responsables du service de formation de l'établissement, en particuliers pour les Ateliers d'Expression Picturale, d'Argile, pour l'Atelier d'Expression Polyvalent (Contage, Papier, Tissu, Écriture). Les lieux choisis pour la pratique institutionnelle de ces espaces de soin doivent être finalisés autour de ces modes d'utilisation. Des espaces de réservation et de protection des productions des patients (des stagiaires en formation) doivent être prévus.

Règle de la temporalité
de la formation

L'engagement d'un processus significatif de formation fiable dans le domaine de l'animation d'activités de thérapies médiatisées (Ateliers d'Expression Créatrice à visée thérapeutique) demande un minimum d'engagement expérientiel et didactique dont la durée, (un minimum de 250h), les rythmes et la fréquence doivent être décidés en accord avec le centre de formation qui a en ce domaine compétence d'expertise.

Audit préalable
La maîtrise des "dommages" collatéraux
au plan institutionnel

Notre expérience dans le domaine des interventions intra-établissement nous a enseigné que tout dispositif de formation sérieux engagé par des personnels d'un même établissement avait des effets secondaires prévisibles qui devaient être analysés au moment de la demande de formation.

Le fait de vivre un processus de formation entre collègues d'un même établissement met en conflit le désir d'authenticité et de liberté intérieure minimale nécessaire pour profiter de façon optimale du processus formateur. La formation interne suppose donc que cette décision soit prise à la suite d'un audit mutuel du centre de formation et des personnes et/ou services concernés, et non de façon unilatérale (ou autoritairement) par les responsables administratifs de l'établissement ou du service. Le non respect de cette règle déontologique expose les lieux institutionnels à des effets collatéraux de mise à jour des conflictualités latentes déplacées au sein du groupe de formation.

Règle de constitution
des groupes de formation

Enfin, dans le cadre d'une décision d'engagement d'un processus de formation sera également prise en considération la règle de la création de groupes de même niveau hiérarchique, pouvant réunir des praticiens de plusieurs disciplines (infirmiers, psychologues, psycho-motriciens, orthophonistes, éducateurs spécialisés...).

Règle de confidentialité

Les membres du groupe de formation aussi bien que les instances administratives ou médicales de l'établissement s'obligent au stricte respect de la confidentialité des événements survenus et propos tenus au sein du groupe de formation.

Article publié par la revue SANTÉ MENTALE N°111
Octobre 2006 "Des médiations pour quoi faire ?"

Procédures de validation

Le Centre de formation est seul compétent des procédures d'évaluation et de validation interne de la formation dont les actes restent confidentiels.

Toute procédure externe de contrôle à l’initiative de l’établissement sera précisée préalablement dans ses buts et dans sa forme. Elle ne pourra porter sur les éléments de l’expérience personnelle des participants soumis à une confidentialité rigoureuse. Les conclusions de ces contrôles seront communiquées au responsable du centre de formation, et seront susceptible de donner lieu à une clarification avec l’ensemble des intéressés.

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Philippe Aïni - collection privée

Une certaine idée du thérapeutique

Au terme de cette courte réflexion, c’est sur ce que représente le mot thérapeutique pour les acteurs du soin et pour les décideurs institutionnels qu’il faut se déterminer. Soit, ils l’entendent comme activités occupationnelles, soient ils le pensent réellement comme un espace de soin psychologique et affectif. 

L’expérience créatrice n’est pas une médiation, mais le cœur d’un processus de tranformation de l’expérience immédiate du lien au monde vivant. L’expérience créatrice est lieu d’être.

Guy Lafargue

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Catherine Laporte - Collection de l'Art Cru Muséum