art cru histoire concept institution

Art CRU : Histoire du concept et de l’institution (Sandrine Rouillon)

MÉMOIRE UNIVERSITAIRE DE SANDRINE ROUILLON
Praticienne certifiée Art CRU

Entretien avec Guy LAFARGUE,
fondateur des Ateliers de l’Art CRU

Sandrine Rouillon : Pouvez vous me parler de la création de l’association elle même, mais également de ses membres fondateurs, ainsi que celle des concepts et des théories sur lesquels vous vous êtes appuyé pour fonder les Ateliers d’Expression Créatrice de l'Art CRU ?

Guy Lafargue : Ceci est une longue histoire qui remonte à 1975, cela fait bientôt 30 ans que j’ai commencé à mettre en forme l’institution dont j’ai progressivement construit la structure et qui a développé son implantation idéologique et praxique dans le champ social .

En tant que concept, l’Art CRU est né d’une crise institutionnelle.

En 1975 j’ai été l’instituant inaugural d’ une première association qui s’est appelé I.R.A.E. ( Institut de Recherche/Animation Expression) avec 2 ou 3 personnes que j’avais cooptées dont le Dr Jean Broustra. Dans ce concept de Recherche/Animation étaient déjà incarné les ferments psycho-sociologiques de la recherche-action Lewinienne. Ma formation de base, c’est la psycho sociologie. Et dans la psycho sociologie, j’ai travaillé avec le professeur Max PAGES, dans la mouvance Rogérienne des années 70. Un courant libertaire, pour donner des indications idéologiques, c’est à dire un courant Rogérien créatif et offensif vécu dans ses débuts comme assez provocateur et iconoclaste envers les hégémonismes marxistes et psychanalytiques qui tenaient à l’époque le haut du pavé.

Pour moi, cette formation de base englobait ce que l’on appelait la « dynamique de groupe », « groupes de diagnostic », « analyse institutionnelle », et puis la question de « la relation d’aide » d’inspiration rogerienne.

Donc j’ai été initié en 1965, 1966, 1967 par le professeur ABRIBAT à ce qui s’appelait alors «la non directivité». Puis en 70 et 71 par les psycho-sociologues de l’ARIP (Association pour la recherche et l’intervention psycho-sociologique) MaiSonneuve, Lévy, Palmade, Henriquez. A l’époque c’etait un mouvement idéologique très puissant que cette non directivité maniée comme mode d’accès à la création de la connaissance.

Rogers a été une des icônes de mai 68, ici à Bordeaux. En mai 68, j’étais objecteur de conscience et je travaillais à Rouen dans une communauté d’EMMAÜS. C’est dans ce cadre que j’ai commencé mes premières expériences de formateur, d’analyste institutionnel, dans des équipes de prévention de la délinquance des adolescents, a Rouen. Et puis Mai 68 est arrivé. Je suis redescendu dans les amphis à Bordeaux. J’étais tout frais moulu de mon diplôme de psycho- pathologie, et je me suis tout de suite engagé dans une recherche de travail à l’automne. J’ai eu la chance de pouvoir commencer a travailler en faculté de psychologie/sociologie ainsi qu’à l’École d’éducateurs spécialisés ici a Bordeaux, pour enseigner la psychologie sociale et en particulier dans les domaines de la relation d’aide et de la dynamique des groupes restreints.

Cela a été pour moi une école généreuse et vigoureuse. J’y ai fait mes premiers tâtonnements comme professeur. Et la même année, j’ai découvert l’atelier d’Éducation Créatrice chez une élève du pédagogue Arno STERN. Ce rapport à la création allait devenir volcanique.

J’y avais déjà goûté avec l’écriture. J’ai eu une longue histoire avec l’écriture qui a été le déclencheur inaugural de ma naissance à l’expérience créatrice. Une véritable maïeutique. Pour moi l’écriture surréaliste a été un accouchement de mon être-au-monde, une construction de ma propre identité.

La sortie de ma longue adolescence s’est faite par la rencontre du Surréalisme et d’un bouquin de Nietszche « Ainsi parlait ZARATHOUSTRA ». Voilà, c’est ça qui a été l’événement accoucheur : la rencontre du manifeste du Surréalisme d’André BRETON, le Zarathoustra de NIETZSCHE et de façon décisive « le Développement de la personne » de Carl ROGERS, de sa pensée humaniste, de son inquiétude existentielle puissante et généreuse.

Leurs écritures ont ouvert la voie à la mienne, qui a constitué le point de départ d’une révolution intérieure et d’une éruption psychique créatrice qui ont été explosives, extraordinaires, que je n’ai pas abandonné depuis. Mon dernier écrit sur la relation intertransférentielle, dans le fond, procède d’une application de l’automatisme psychique à l’élaboration de la pensée théorique.

Entre le moment ou j’ai commencé la pratique de l’écriture automatique et le moment ou j’ai pu la manier comme ça, dans cette verve et dans cette qualité à la fois poétique et idéologique, pour moi ç’est devenu le centre de mon existence.

Après j’ai découvert l’atelier d'expression picturale d'Arno STERN, j’ai travaillé dans un atelier conduit d’après cette approche. Et là, j’ai vécu à nouveau une expérience intérieure bouleversante. Cela s’est passé par strates, par paliers, c’est comme des couches géologiques ou des poussées volcaniques. Comme les étages successifs d’une fusée.

J’ai travaillé dans cet atelier STERN, et j’ai ouvert un deuxième pallier de liberté, cette possibilité de décrocher de l’abrutissante normalité culturelle. Dans un premier temps je me suis dégagé de la norme éducative, de mon éducation religieuse. Avec la peinture j’ai découvert tout un monde, tout un espace interne inconnu de moi , un monde qui m’était étranger, très inquiétant. Moi, les feuilles sur les murs, je les peignais du plafond jusqu’au sol, avec des trucs assez monstrueux, des personnages complètement émaciés, des scènes d’apocalypses… c’etait superbe ! Ma jubilation, c'était superbe. Cela se passait dans un atelier avec des enfants. J’avais un copain, un petit garçon de 5/6 ans qui m’interrogeait beaucoup sur mes personnages. Il regardait « mes trucs ». Il etait très préoccupé de ce que je faisais, il etait très en communication avec moi et avec mes personnages. Et moi, dans cet atelier, j’ai métabolisé une foule de choses sans m’en rendre compte.

Dans ma première expérience avec l’écriture, et dans cette expérience-là avec la peinture, j’ai expulsé une foule de « trucs » inconscients. J’ai assisté éberlué au dépliement d’un image de souffrance affective qui était bien la mienne. jusqu’au jour où il m’est arrivé quelque chose de définitif, une espèce de condensation assez violente. A cette époque, l’animatrice de l’Atelier était enceinte de huit mois. J’avais peint une énorme bonne femme, qui occupait toute la surface du mur. J’etais monté sur une échelle et j’etais entrain de peindre le mamelon gauche. J’etais avec mon pinceau, très concentré, très très près de l’Objet, et tout d’un coup j’ai eu le flash ! J’ai accroché le signifiant si on peut dire, ou plutôt c’est le signifiant qui m’a accroché. J’ai instantanément compris que j’avais recrée dans l’espace le rapport du nourrisson et du sein maternel. Je me suis vécu à ce moment là dans la position du nourrisson, d’une bouche et d’un sein incarnés au bout de mon pinceau, littéralement en symbiose, là. (c’est ça que j’appelle la pulsion métamorphique). Et ça a fait en moi une espèce de décharge affective, d’émotion innommable. Une espèce de plénitude comme on en rencontre rarement. Peu de temps après cette expérience, j’ai arrêté d’aller dans cet atelier. Je n’avais plus besoin de peindre.

Peu de temps après, j’ai découvert à coté de chez moi un atelier d’argile, tenu par un vieux monsieur qui laissait son atelier ouvert aux gens, aux itinérants de passage. Et donc, après quelque hésitation, je suis entré, j’ai observé un certain temps, et je me suis laissé aller. Je me suis précipité dans l’argile. Et je reprenais exactement ma création à l’endroit où je l’avais laissée avec la peinture. C’est comme si je bénéficiais d’un transfert affectif immédiat d’apprentissage du langage précédent sur celui-ci. Ce phénomène s’est reproduit par la suite avec d’autres médiations, avec le collage, avec la théâtre, à nouveau avec l’écriture, et aujourd’hui avec l’écriture théorique…

De l’écriture et de la peinture j’ai transféré sur l’argile une liberté, une capacité a supporter le monstre, à débusquer le monstrueux en moi. J’ai poursuivi avec l’argile le travail de révélation dans des intensités qui ont été assez violentes pour moi, violente dans tout ce travail de construction du soi, de quelque chose qui prend corps, d’une constitution d’un corps, le mien, d’une incarnation, en particulier dans l’expérience que je vivais de ma sexualité.

Tout ce déferlement affectif s’est mis en représentation dans la vie fantasmatique, dans la vie imaginaire, et dans la création. Et je trouvais que ces lieux etaient fabuleux parce que, sans qu’il y ait eu d’intentionnalités, ni de cadre, ni de dispositif conçu pour ça, il se produisait en moi : d’un coté un travail d’évolution, de transformation de ma propre expérience, de mon identité, du sentiment de moi-même, du début d’une estime de moi-même ; et puis de l’autre côté je ressentais que dans cet espace du faire il me manquait quelque chose, il n’y avait pas de place pour une parole. Rien ne se disait de ce qui se bousculait en moi. Je voyais sur les autres personnes ce que mon travail déclenchait. Comme ça, sans s’en rendre compte, nous sommes passés d’un atelier de poterie à un atelier d’expression. Cette expérience-là a été la clé de beaucoup de choses qui allaient devenir ma vie professionnelle.

Parallèlement, nous étions à l’automne 1968, je commençais mes premiers groupes à la faculté de psychologie. J’animais des groupes d’analyse de la dynamique des groupe restreints. C’étaient mes premières prises de risques professionnelles. Il y avait là 10/12 étudiants autour d’une table, 8 heures par jour, 2 jours et demi en suivant, qui avaient pour tâche d’analyser les phénomènes affectifs, psychiques, relationnels qui se développaient dans le groupe singulier que nous formions, et moi, je conduisais un travail d’élaboration avec eux sur le vécu très perturbant de cette situation fabriquée et artificielle. C’est cela que j’avais appris à faire dans ma formation. et c’est que je faisais. Je pensais que ce que moi j’avais vécu comme client dans ces groupes, que les bouleversements puissants dont j’avais été saisi comme naissance à ma parole de sujet, comme une mise en marche irrépressible du travail de la pensée… C’est-à-dire que j’ai pu commencer à parler dans ces dynamiques de groupe, avec une parole à moi, à dire moi, à dire“je“, à ne plus être assigné dans le discours social, catholique, scolaire.

C’est de la collision de ces deux espaces dans ma tête, d’un lieu d’expression où l’on parle mais ou on ne fait rien, et de l’autre d’un lieu où l’on fait mais où on ne dit rien, que m’est venue le désir de créer un outil dans lequel j’allais intégrer l’expérience créatrice, à l’époque je disais « expression », et le travail analytique de la parole. Et c’est a ce moment là que j’ai rencontré le professeur Max PAGES.

J’ai eu une belle chance que cet homme ait été impressionné par ma façon d’être, par mon mode de présence personnel, par mon trafic avec les médiations créatrices. Après un séminaire sur la relation d'aide auquel je participais, dont il était animateur, il m’a demandé de venir travailler avec lui et avec une équipe de jeunes psycho-sociologues européens qu’il avait réunis autour de lui.

C’est dans ce « Laboratoire de changement social » que j’ai ai commencé à élaborer ce qui est devenu à ce moment là de notre histoire « Ateliers d’expression de la personne dans une situation de groupe ». Nous l’avions appelé ainsi à l’époque. C’ était exactement une prèmaquette de ce qui deviendra l ’Atelier d’expression polyvalent" qui en a été la concrétion professionnelle. Les premières fois que nous avons travaillés ensemble sur ces bases où j’introduisais la dimension créatrice, c’étaient des expériences assez sauvages , initiatiques. J’introduisais dans l’univers analytique de PAGÈS la dimension de la création, des médiations créatrices. Lui, il apportait toute sa capacité analytique, ainsi que son travail avec le corps très gouverné à l'époque par ses identifications conflictuelles aux têtes de série de la psychanalyse (Freud/Reich) .

Il était pas mal fasciné par REICH, par le côté bioénergie. Et à tous les deux nous avancions chacun pour soi dans une synthèse dialectique de nos deux modes de relation au groupe, à la médiation et au travail analytique.

Ce travail de coçndensation interfleuente entre nos deux approches est devenu cet atelier que j’ai mis en travail pour la première fois dans l’ histoire des institutions psychiatriques, dans l’hôpital de jour créé par le Dr Michel Demangeat (Lacanien de première main) et Jean Broustra qui était alors un jeune psychiatre soixanthuitard, en alerte vers le monde de l’Art et de ses ressources. C’est pour ça qu’ils sont venu me chercher. Broustra était encore allongé sur le divan. C’est sous sa supervision en 72/73 que j’ai commencé à mettre en œuvre mon atelier thérapeutique d’expression qui ne s’appelait pas encore un atelier polyvalent et que j'ai ensuite j’ai baptisé « corps et paroles ».

Voilà toute l’histoire de la construction des fondations du modèle qui plus tard (en 1984) a enfanté l’idéogramme « Art CRU » et la praxis que j’y ai engagée de façon résolue etsoutenue depuis.

En 1976, je travaillais ensuite à l’hôpital psychiatrique Chateau PICON de Bordeaux, dans le service que Broustra avait quitté pour diriger le service de Libourne. C’est lui qui m’a initié à la rencontre avec la psychose, avec ce mode de défense contre l’angoisse de mort, et à travailler avec ces personnes massivement instrumentalisées en psychotiques.

Je me sentais complètement à l’aise dans ce travail. Et ils étaient très heureux les toubibs que quelqu’un prenne ce type de risque. C’est cette équipe que nous formions avec mes collègues d’obédience Sternienne de « l’Association girondine d’éducation créatrice » dont je constituais le centre nerveux idéologique qui a commencé à ouvrir des ateliers d’expression dans les hôpitaux de jour.

J’étais cette année-là président de ce groupe, c’est tombé à ce moment là, et j’ai dis « d’accord je viens animer des ateliers », et d’entrée de jeu j’ai proposé des ateliers à médiations multiples pour ces personnes labellisées psychotiques. Et cela fonctionnait très bien, c’étais un lieu extraordinaire. Un lie d'asile dans l’asile.

Par la suite, j'ai noué une véritable vocation vers la formation que j'explorais parallèlement avec Max PAGÈS dans le cadre du Laboratoire de Changement Social. J’ai fait une proposition à Jean BROUSTRA et à un autre ami Jean-Marie ROBINE (créateur en germe de l’Institut Bordelais de Gestalt), de créer une association qui allait s’appellera I.R.A.E : Institut de Recherche/Animation Expression, avec cette idée de la recherche-action, c’est à dire qu’on engageait expérimentalement des pratiques pour travailler intellectuellement et pour produire du changement, dans la continuité de mon travail avec le laboratoire de changement social, avec PAGES. Et là on a commencé à construire et élaborer ensemble des modèles de formation, dont l’axe pédagogique a été dès le début celui que j'avais transféré de ma formation psychosociologique et que l’on a adopté dans nos formations d'animateur dans le partage des séances entre Atelkier Expérientiel et Temps de Parole, dispositif que je reforgeais pour notre propre compte.

C’est autour de ce noyau idéologique fondé sur une" dynamique de groupe" ouverte aux médiations créatrices, articulant l’expérience créatrice et l’élaboration de l'expérience vécue dans la parole que s’est condensé le concept d’Art CRU.

Et puis l’histoire s’est ensuite développée de manière un peu tumultueuse dès l’instant où, dans cette association l I.R.A.E., j’ai demandé à ce que cela devienne un centre de formation professionnalisé. Je désirais que cette association se transforme en organe de formation, et que je puisse y développer mon emploi. Je l’avais créée dans cette visée, mais mes partenaires, Robine et Broustra, ont refusé tout net de s’engager dans cette aventure, car cela aurait impliqués une disponibilité qu’ils ne pouvaient pas accorder, car ils avaient tous des engagements de cadre dans leurs propres institutions de travail. Ma demande a ouvert une crise violente dont l’institution a fait les frais. J’ai donc démissionné, je suis parti et j’ai crée les Ateliers de l’Art CRU.

Dans le processus de construction de cette première institution, les Ateliers de l’Art CRU sont nés directement de cette expérience de déchirement institutionnel et de séparation féconde.

Donc cet ART CRU, a été pour moi un authentique moment d’inspiration, un acte poétique qui a formé un centre nucléaire organisateur de la totalité de mon existence. Ça a constitué le noyau dur de toute une mise en symbolisation complexe de l'ensemble du champ dans lequel je me trouvais engagé.

Donc il y avait l’ART CRU dans son versant thérapeutique, l’ART CRU dans son versant formation et potentiellement l’ART CRU inscrit dans le champ culturel et artistique, puisque très tôt et simultanément sous ce signifiant d'Art CRU j'ai ouvert une Galerie d'Art, donné naissance à l'ART CRU MUSEUM, créé le centre de formation des Ateliers de l'(Art CRU, et j’ai commencé à accompagner une ou deux personnes en analyse individuelle, Je n’ai jamais cessé depuis lors mon engagement dans ces trois espaces de création.

L’Art CRU ça n’a rien à faire avec un mouvement artistique. L’Art CRU ça désigne un cadre pour travailler, pour ouvrir ce processus de connexion entre l’inconscient et le langage. C’est un peu comme ça que je le définis. Création d’un cadre et d’un dispositif qui vont déclencher chez les personnes qui acceptent d'investir profondément ce cadre le désir de créer, dans un contexte tel que ce désir de créer va être utilisé comme moteur de recherche au service du travail analytique de la personne.

SR : Pour vous et d’après ce que j’ai pu en vivre au cours de ma formation, chaque médiateur plastique agit à différents niveaux sur la personne, pourriez vous m’en dire un peu plus ?

GL : Cette pensée est pour moi le fruit d’une longue observation qui a jalonné mon parcours dans la rencontre des médiations.

J’ai commencé mon propre processus avec l’écriture, puis avec la peinture et ensuite avec l’argile ( les médiations langagières basiques), et cela m’était évident que chacun de ces langages n’a pas eu les mêmes effets sur moi. A partir de ces observations ( observation est la traduction étymologique du mot d'origine grecque « théorie »), j’ai développé effectivement une théorie selon laquelle dans ce jeu de la création, dans ce processus d’expression affective médiatisé, chaque médiateur n’atteint pas les mêmes zones de l’expérience affective (l'inconscient des psychanalystes).

Pour moi, l’expérience inconsciente c’est très différent de ce qu’en dit la psychanalyse académique. L’expérience inconsciente ça désigne au fond la structure basique de notre mode d’être-à-l’autre et au monde, à la façon dont cela s’est mis en place au moment des premières relations du nourrisson avec la mère (les relations "objectales"). Dans tout ces processus de construction originaire de l’identité jusqu’à l’acquisition de la pensée, c’est comme des zones géologiques intriquées. Il y a des zones affectives, des strates affectives qui se superposent s’enchevêtrent au fur et à mesure du développement du nourrisson, du petit enfant, qui forment la structure des liens du sujet au monde interne et externe. Ces structures deviennent des invariants, quelque chose qui se met en place une fois pour toutes. C’est quelque chose sur lequel on va pouvoir avoir une emprise plus tard, mais la totalité de notre mode de rencontre aux autres dans la suite de notre existence est fondamentalement surdéterminé par cette base structurale. C’est ça pour moi l’affectivité, c’est la structure du lien au monde, du lien à l’autre tel qu’il s’est mis en place dans les deux ou trois premières année de vie de l’enfant, jusqu’au moment au fond, ou il va se séparer complètement de la mère en partant à l’école, c’est à dire du passage de la symbiose à la socialité.

Dans tout ce processus, dans tout ce parcours, l’enfant construit des modes de rencontre dans des plans différents. Au début ça va suivre les classiques stades élaborés par la psychanalyse. Mais cette notion de « stade » apporte autant de confusion qu’elle n’en résout, car elles donne à entendre qu’il existerait des sortes de strates établies, identifiables, isolables les unes des autres dans la maçonnerie psycho-affective là où l’expérience elle-même est fondamentalement homogène. La croissance procède par recrutement et intégration de nouveaux modes d’expérience liés à la maturation et à l’élargissement du champ expérientiel du sujet. Ce concept de stade empêche de penser la complexité. Toute une première partie de l’expérience vécue, qui n’est pas présente dans les premières élaborations de la psychanalyse Freudienne, a trait au rapport à la somesthésie, à la peau, au fait d’avoir traversé l’expérience intra-utérine, de s’en être séparé (Dolto l’aborde beaucoup), le traumatisme de la naissance et puis après l’oralité, le développement des zones érogènes, tout cela, c’est ça les « strates ». Mais ces choses là, ces objets théoriques ne sont stratifiés que dans la théorie, pas dans l'expérience.

Il y a cet érogène, cet archaïque de la peau, cet érogène inaugural de la bouche et du sein en particulier au travers de la théorie Kleinienne, à partir de quoi la pulsion vitale irradie dans toutes les directions et agrège le mode d’être au monde, d’être à l'autre…Tout part de cette expérience que le sein et la bouche sont la même chose, et puis de la séparation, du rapport à la satisfaction et des processus d’individuation, de l’émergence et du recrutement progressif de l’érogénéité vers les zones génitales… c’est ça les strates qui vont être la cible de la pulsion créatrice dans son rapport aux langages de la création.

Globalement ça regroupe ce que FREUD en a dit et ce que la psychanalyse en a développé… Alors mon idée avec le processus œdipien, le père, la fratrie, ces stades successifs sont reliés entre eux non dans un rapport de contiguïté mais dans un rapport de coalescence. Ils sont toujours coexistants, permanents…toujours de l’ordre du déjà là. Il y a une donne affective qui est permanente, invariante, qui englobe toute l’expérience au sein de cette espèce de continuum qui n’est stratifié que dans le langage, dans la pensée. C’est dans cette matière phénoménale que l’identité se forme, que la séparation s’opère, que l’individualité se construit et que le sujet commence à exister en tant que sujet séparé, différencié de la mère, dans le jeu des processus d’identification. Et bien chaque médiateur opère comme une sorte de forage dans l’une ou l’autre de ces formations affectives, l’ irrigue, autour et à partir de ce point d’accroche. C’est ainsi qu’opère l’affinité élective d’une médiation qui va être privilégié par les participants de l’atelier et d’une aire de symbolisation potentielle.

Pour relier tout ça en définitive, il faut refaire le parcours en sens inverse, c’est à dire déclencher un travail de régression, et à partir de cette régression repartir dans un autre mode de construction narcissique, dans un autre rapport à soi, dans un autre rapport au monde.

Voilà un peu mon idée, c’est une représentation théorique du processus de la construction de soi.

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C’est très intéressant en particulier quand on travaille avec des gens qui sont complètement abîmés du côté de la socialité, de la relation émotionnelle et affective à l’autre. Les ateliers d’expression créatrice sont des modes d’entrées qui permettent au gens de manière quasi immédiate, quasi instantanément, d’aller sur leur point de plus juste présence affective. C’est le centre du mystère de l’expérience créatrice. Quand on se place dans cette position - la question du cadre est très importante - quand on accepte ce cadre, quand on accepte de rentrer dans ce cadre, d’adopter le dispositif et les médiateurs qui sont là, et bien il se produit quasi instantanément un mouvement profond et irrépressible de régression. Ce n’est pas nécessairement une régression affective . En tous cas il se produit un processus immédiat de connection entre le langage, la capacité langagière propre à la médiation et la vie affective de la personne à l’endroit ou cela a été mal fait, là ou quelque chose c’est mal passé . « Quelque chose a eu lieu, qui n’a pas trouvé son lieu de représentation » dit Winnicott, et l’Atelier est là comme lieu pour créer cette possibilité de représentation.

Offrir à la personne ce lieu d’être que constitue l’atelier et le rapport à la médiation qui y est instauré, et c’est cela qui se passe.

Il y a un mode de régression æ sthétique qui n’implique pas de facto une régression affective/émotionnelle., c’est à dire que le sujet l’expérimente dans le plan langagier, dans le jeu de la représentation. Il se « branche » directement a l’ombilic affectif complètement à son insu. C’est un processus complètement inconscient.

SR : C’est vrai j’ai constaté tout cela, et c’est pourquoi j’ai envie de comprendre, J’ai conscience de na pas avoir travaillé la même chose avec l’argile, la peinture et l’écriture.

Qu’est-ce qui fait la différence des émotions ressenties, par exemple un certain blocage en peinture et une réparation en argile ?

GL : Exactement !

SR : Et ce blocage, a permis une réparation ensuite et ainsi de suite.

GL : Oui, oui, tout à fait. Il n’y a pas de hiérarchie dans ce rapport aux médiations. Il y a des zones affectives, des matières qui mobilisent de façon privilégié ces zones affectives…par exemple, si on travaille avec l’argile, c’est clair que les zones affectives qui sont mobilisées sont celles de la somesthésie, de la sensualité. Cela va travailler directement dans l’espace interne, dans la représentation des contenus internes du corps, des images fantasmatiques du corps, des images inconscientes du corps, pas au sens ou on se les représente culturellement. Ce sont des traces des premières expériences émotionnelles qu’a vécues le bébé dans la rencontre avec le corps de la mère et qui va mettre en place ensuite tout son dispositif de communication à l’autre et donc dans certaine médiation, comme par exemple l’écriture ne peut pas fonctionner comme l’argile et n’empêche que pour certaines personnes l’écriture va pouvoir fonctionner comme ce petit missile souterrain qui va aller directement du côté de ce rapport au symbolique mais qui va constituer un rapport au réel, il y a des gens avec l’écriture, ils atteignent directement la matière des objets internes.

Donc, il n’y a pas une hiérarchie, chacun utilise les médiations sûrement en fonction d’enjeux de nature différente, c’est à dire que dans l’espace de l’atelier, il n’y a pas que la médiation de l’argile ou de la peinture, il y a aussi le groupe. La dimension groupale est très importante (au niveau de nos hypothèses de travail). La dynamique groupale fonctionne aussi pour la personne, pour toutes les personnes d’un groupe comme un phantasme inconscient, c’est à dire que le groupe, en tant qu’entité, réanime chez chacun sa relation à l’espace interne du corps maternel, le groupe représente un phantasme intra-utérin.

Le groupe existe aussi en tant qu’entité phantasmatique qui peut-être vécu par certains comme extrêmement persécuteur, pour d’autres dans une dimension beaucoup plus régressive et fusionnelle. Le groupe va être un lieu de développement de l’activité phantasmatique individuelle à partir de cette entité là – groupale - constituée comme telle dans l’expérience inconsciente.

C’est à dire que quand on est animateur tout seul dans un groupe, en réalité, pour les participants, on est deux. On est plusieurs à constituer cette surface symboligène. Il y a deux ou trois entités fantasmatiques susceptibles d’être utilisés par les participants : il y a la médiation, il y a l’animateur (avec toute la capacité d’utiliser l’animateur comme imago parentale, comme figure fantasmatique parentale), et puis il y a le groupe.

Il peut également y avoir le lieu comme surface projective, , comme par exemple le clos lieu de STERN. Là aussi ça va aller renforcer l’imaginaire du coté de l’espace interne.

SD : Lors d’une plénière vous aviez parlé d’une triangulaire «participant /matière /animateur »

GL : Une triangulation, oui.

SD : Comment l’articulez-vous ?

GL : L’idée que je défend là fait référence différentielle avec la situation psychanalytique, comme différentiel par rapport à la situation psychanalytique duelle lorsque l’on est dans le cadre de la cure type. Ou dans la situation d’entretien psychologique de psychothérapie, ou de psychothérapie psychanalytique, où on est en rapport de face à face duel, et la médiation c’est l’activité psychique et la parole articulée au process associatif.

Ce qui s’échange avec la parole dans l’atelier, n’est pas dans cette position duelle. Il y a une aire intermédiaire de jeu entre l’animateur et la personne, qui exempte le sujet d’être en communication frontale avec l’analyste, ou avec toute personne qui travaille l’élaboration du sens avec un client.

Donc la triangulation c’est : le sujet /l’animateur/la médiation ainsi que l’aire intermédiaire de jeu par ou le champs de l’inconscient est d’une certaine façon dérivé et où le sujet est exempté de cette astreinte à la communication duelle qui pour un certain nombre de personne peut-être très difficile, très angoissante et très inhibante. Il y a des psychanalyses qui peuvent durer des siècles, 10,15 ans, il y a des gens qui sont en psychanalyse toute leur vie.

Donc l’histoire de la triangulation pour moi fonctionne comme différentiel et offre un avantage considérable parce que le sujet se sent dans un possible rapport de maîtrise avec les objets, il exerce un contrôle plus direct, la fonction de l’animateur du même coup devient différente, elle est latérale, c’est comme une position d’accompagnement, d’accueil et puis pour finir, on rejoint tout de même un espace de parole avec des Objets concrets à se mettre sous la langue.

On va se retrouver dans l’ouverture à un en-dire de ce qui c’est passé dans l’espace, dans cet espace-là à ce moment-là, dans cette aire de jeu, avec des traces sensibles. Cela change considérablement les choses.

Cela a un autre avantage cette situation d’atelier, en particulier au moment du temps de parole, c’est que ça permet à la personne d’avoir un objet de pensée, qui est l’expérience vécue qu’il vient de vivre, l’expérience de création qui constitue un objet immédiat ou sont présents – présentifiés - tous les objets de son expérience vécue consciente et inconsciente.

Tout est là de ce qui est d’un possible à dire, tout est présent sans que l’on ait à se nourrir de sa propre substance psychique, c’est encore un différentiel par rapport a la psychanalyse, c'est que dans la psychanalyse la médiation, c’est la médiation psychique autrement ça s’appellerait pas psycho-analyse, où la seule médiation réellement consommable, autorisée, c’est la médiation associative, psychique et verbale. C’est un espace très volatile, au demeurant, autophagique.

Dans le travail de création il y a une expérience essentiellement corporelle…créer c’est faire, créer c’est engager du corps et engager du corps c’est vivre des expériences émotionnelles, c’est vivre des mouvements affectifs incarnés qu’on va pouvoir prendre comme objet d’élaboration et les objets d’élaboration sont complètement chargé de l’histoire de la personne, ici et maintenant. On en revient la aussi à ROGERS, c’est que c’est l’ici et maintenant élargi à ce temps immédiatement antérieur, tout frais, directement en miroir de traces infaillibles, qu’a été le temps de l’atelier qui constitue la matière du travail d’élaboration.

SD : Et pour revenir justement au concept fondateur, on a beaucoup parlé effectivement de Carl ROGERS, d’Arno STERN, de Mélanie KLEIN, de D.W WINNICOTT, de Françoise DOLTO, donc par rapport à l’art cru c’est quand même sur les théories de ces chercheurs que vous vous appuyé ?

GL : Oui, j’ai été pour beaucoup dans le choix, le développement des recherches

d’un certain nombre de personnes qui pour moi sont convergentes chacune dans un plan différent.

Fondamentalement il y a le cadre de la relation centrée sur la personne, Rogérien donc, non directif, qui a été inaugural dans le processus instituant que j’ai fondé. Ensuite WINNICOTT. Pourquoi WINNICOTT ? Parce que c’est une personne qui a réfléchi à la question de la créativité de manière fondamentale et qui a subvertit la psychanalyse académique parisienne et allemande, qui a introduit du jeu dans les discours , il a desserré les signifiants de la psychanalyse, il a fait preuve d’originalité, il a développé un courant assez libertaire, ouvert à la mise en tension idéologique et clinique. Ce qui m’intéressait chez lui, c’est sa théorie du jeu et sa théorie de la « transitionalité ».

C’est quelque chose de tout à fait remarquable cette théorie des objets transitionnels et cette lecture particulière du processus d’individuation, c’est à dire comment on passe de la position du sujet symbiotique d’adhésivité, de collage à la matière placentaire et au sein, à la position d’individu séparé. WINNICOTT a dit des choses définitives là-dessus et c’est la raison pour laquelle il est là. Et en plus, son cabinet de psychanalyste(tel qu’il est décrit dans « la petite Piggle » est vraiment conçu comme un atelier d’expression.

Mélanie KLEIN, elle m’intéresse parce que c’est elle qui a le plus exploré la problématique affective avec toute la question de la vie fantasmatique archaïque. Chez elle et chez les post-Kleinien, Piera AULAGNIER, Geneviève HAAG… il y a un certain nombre de gens qui ont pris appui sur sa pensée pour développer toute cette réflexion sur les objets phantasmatiques et la vie affective, la problématique de l’amour et de la haine tellement reliée a la construction affective originaire.

Donc Mélanie KLEIN, c’est un incontournable . Aussi et beaucoup plus récemment Françoise DOLTO, pour sa dimension personnaliste, c’est à dire que ces gens là s’entendent bien sur le fond affectif de la situation analytique, surtout WINNICOTT et DOLTO d’ailleurs, pour dire que ce qui est opérant dans un travail de transformation de la personne, c’est le fait de se sentir considéré comme une personne.

Voilà donc les piliers du référentiel théorique de ma praxis.

Carl ROGERS, c’est sur la question de la communication : qu’est-ce qui dans la communication non directive est opérateur de changement ? Il s’intéressait essentiellement à la question de l’opérativité de l’écoute, de l’écoute active de la personne, la non influence, l’accueil , la positivité de la personne, il y a une philosophie derrière cela, une représentation de la personne très positive.

WINNICOTT, c’est la théorie du jeu et la théorie de la transitionalité, comment se forme la pensée chez le petit enfant, ce n’est pas rien cette question et personne n’a dit des choses nouvelles depuis à ce sujet.

Mélanie KLEIN, c’est l’univers de l’image, des images fondamentales avec tout le travail autour du monstrueux.

Françoise DOLTO : le client est une personne et s’il arrive à ressentir ça de la part du thérapeute ou de son analyste, ça le fait grandir.

Alors dans l’atelier, tous ces référents, c’est des épices pour la cuisine du CRU…Il y a cet ensemble de choses qui se repèrent dans la façon dont on travaille avec vous dans votre formation, on essaye que vous vous construisiez en vous faisant découvrir des raccourcis.

Moi, j’ai fait des centaines de kilomètres à pieds, mais vous, on vous amène plus près du camp de base, au pied de la montagne. Vous avez une chance extraordinaire !

Vous n’intégrer pas tout, vous ne comprenez pas tout non plus, mais ces points de repère, comme par exemple si vous arrivez à vous rappeler que les images picturales qui sont produites en atelier, ce ne sont pas les images du corps, que ce sont des représentations des traces émotionnelles des expériences primordiales, après vous pourrez naviguer à vue dans un atelier… si on a compris que ce qui vient se mettre en représentation provient de cette origine-là, de ces traces incrustés dans l’expérience inconsciente, qui restera à tout jamais inconsciente, sauf justement à travers ce langage par lequel cette expérience devient pensable, quand ça travaille ça, et bien il y a des effets de transformation du sujet absolument extraordinaires, et d’autant plus si les gens sont mal, sont déstructurés, sont complètement invalidés dans la construction narcissique d’eux-mêmes…et bien cette mise en situation d’atelier est un opérateur très important, très efficace.

SD : Les personnes qui ne connaissent pas l’Art Cru, font souvent un parallèle avec l’Art thérapie, quel est votre avis sur cette question ?

GL : Alors ça, pour moi c’est une question un peu…je suis assez ambivalent pour répondre. J’ai un point de vue assez tranché sur la question !

Je considère le concept d’Art thérapie comme une hérésie, c’est une alliance de mots intellectuellement insoutenable. Pour moi l’Art est un métier, la thérapie est un autre métier et ces métiers sont absolument inconciliables, incompatibles l’un avec l’autre.

J’ai beaucoup de respect pour les artistes et beaucoup de compassion aussi, parce que c’est un peuple très vulnérable, un chemin dangereux vers la déchéance, la souffrance et l’aliénation.

La démarche artistique est une tentative de sortie de sa propre aliénation, alors proposer l’Art comme mode identificatoire de carrière à des gens qui sont justement dans la souffrance…

L’art fonctionne et il réussit quand justement le processus vient d’une motion individuelle ; et l’Art c’est une motion individuelle qui s’exprime contre l’institution, qui vise à le subvertir et à le détruire. Et l’expérience artistique marche quand ce processus de subversion et de destruction réussit à créer une sidération dans le monde inanimé de l’Autre, c’est a dire quand le sujet bouleverse par sa singularité et par sa capacité à avoir créér son propre code et avoir forcé l’estime et l’admiration des gens, par sa capacité à affronter la solitude et la mort à mains nues, grâce à cette obstination à avoir travaillé comme un fou sur le langage, mais ça c’est exceptionnel. Donc voilà, pour moi l’Art thérapie c’est coca et cola …

Je dis cela sans arrière pensée, ç’est extraordinaire comme un atelier d’artiste dans un hôpital psychiatrique, ça peut-être passionnant.

Par exemple « l’atelier du non-faire », ce film que je vous ai montré, et bien c’est une entreprise remarquable. Le garçon qui l’a lancé, c’est un infirmier, il ne se dit pas thérapeute, il est musicien et peintre, maintenant il ne fait plus du tout de travail d’infirmier. Il dirige à temps plein l’atelier. Les gens viennent, ils peignent, ils improvisent, il leur fait faire des choses assez extraordinaires.

Il est dans une institution de soins mais il ne se pose pas comme un thérapeute, ni comme un Art thérapeute d’ailleurs. Il se pose comme un infirmier défroqué, possédé par la question de la création, prenant beaucoup de satisfaction et de jouissance a gagner sa vie en faisant ce qu’il a envie et en étant reconnu par l’institution. Il arrive à dire à voix haute les discours anti-psychiatriques des années 70, hauts en couleur. Il dit dans ce film ce que chacun sait à oreille basse, que ce qu’il y a de plus dangereux dans la psychiatrie ce sont les psychiatres .

Donc être artiste et modèle d’identification pour des gens dans un atelier, même en hôpital psychiatrique, en tant qu’artiste avec des méthodes d’Art, cela peut tout à fait être intéressant et structurant pour des personnes, mais en aucun cas cela ne constitue un soin, une thérapie. C’est un espace d’évolution personnelle, ce n’est pas un espace analytique. Et puis d’un autre côté, si on construit un cadre thérapeutique, comment peut-on concevoir un cadre thérapeutique autour de cette notion d’activité des personnes autour des méthodes artistiques ou de l’intentionnalité artistique, c’est à dire de la représentation sociale. Cela demanderait des développements mieux soutenus

Voilà, j’espère avoir répondu aux questions principales, et pour toutes celle que nous n’avons pas abordé, je vous renvoie à mes livres ou j’explique tout cela et bien d’autres choses.

SD : Merci.